Qu’est-ce que le développement durable ? Quel modèle de développement allons nous construire (de grès ou de force) ?

, par Gilbert Fernandes

Avant de parler de développement durable, il faut commencer par définir 2 mots :
 développement : qu’est ce que le développement ?
 durable : combien de temps cela doit-il durer ?

Trop souvent, nous dissertons sur ce sujet, sans avoir définit précisément le sens de ces mots, chacun d’entre nous y plaçant sa subjectivité, son histoire, ses rêves.
Il nous faut donc d’abord définir précisément ce dont nous voulons parler, afin de pouvoir en mesurer les conséquences et impacts sur la nature (ressources naturelles, pollutions), et donc pouvoir envisager la validité de nos théories (si elles sont réalistes ou non en fonction des contraintes naturelles de notre planète).
Car nous ne vivons pas sur une Terre infinie, aux ressources illimités, capable d’absorber toutes les pollutions, mais sur une petite planète, où chaque ressource est limitée (même si la limite est élevée), et où la nature a des capacités limités d’absorber les polluants.

Qu’est ce que le développement ?

C’est une bonne question !

Bien souvent, le développement, et sa poursuite, est vu comme la continuation de l’évolution économique et sociale que nous avons connu en Europe, et plus largement en occident depuis 2 siècles. C’est à dire :
 une poursuite de progrès techniques
 une poursuite de d’avancées scientifiques
 une amélioration de la qualité de la vie (hygiène, santé, espérance de vie, loisirs)
 une réduction du temps de travail (divisée par 2 en France en 1 siècle)
 une augmentation des revenus, du pouvoir d’achat (forte augmentation même si l’on a souvent l’impression du contraire).

Ce que l’on oubli, néglige, ou ignore souvent est que dans la même période, nous avons eu :
 une augmentation massive de la population mondiale (multipliée par 13 en 2 siècles)
 une augmentation massive de la consommation de l’énergie dans le monde (consommation par habitant multipliée par 10 en 1 siècle, aujourd’hui l’énergie fossile et non renouvelable représente 80% de l’énergie totale consommée)
 une réduction importante des stocks d’énergie fossile, mais aussi de toutes les matières premières non renouvelable (fer, cuivre, aluminium, charbon, pétrole ....) car justement, elles sont non renouvelées !
 une surexploitation des stocks de ressource renouvelable (qui du coup ne le sont plus). Stock de poisson divisé par 10 dans l’atlantique en 1 siècle, forêt tropicale presque divisée par 2 en 50 ans.
 une augmentation massive de la pollution (chimique, déchets radioactifs, CO2 : +40% par rapport au taux le plus élevé mesuré sur plusieurs centaines de milliers d’années) entrainant une dégradation du milieu, l’érosion et la dégradation des sols (et donc une menace forte sur la production agricole)
 une mise en marche d’un processus très lourd qu’est le changement climatique qui va perturber les équilibres de la planète et modifier les lieux "vivables" où sont établis les hommes (montée du niveau des mers, changement des modes de pluviométrie, ...).

Nous voyons que la notion de « développement » est quelque chose de très fugitive, mal définie. Si nous regardons les « conséquence » du développement (tel qu’il est fait actuellement), nous voyons que cela n’est pas « durable » car cela remet en cause le mode de vie actuel de l’humanité (lieu d’implantation des hommes et leur capacité à y vivre).

Cette absence de définition du mot « développement » n’a pas empêché les hommes de chercher à mesurer ce fameux “développement”. Pour cela, les économistes ont définit, dans les années 1950 un concept, un calcul appelé le Produit Intérieur Brut. Les économistes n’ont pas établit de définition précise de ce qu’était le « développement », ils ont choisit juste choisit d’utiliser une valeur économique pour caractériser, chiffrer, ce fameux « développement ». Cette valeur est le montant total cumulé des échanges établit dans la société. Car selon ces personnes : “plus une société est développée, plus ces échanges de produits, de services augmentent”. Bref, les économistes ne nous disent pas “ce qu’est le développement”, mais juste “comment le mesurer”.
Un peu comme un maçon qui ne saurait pas vous dire comment construire une maison, mais qui pourrait juste vous en calculer la taille.

Les Limites du PIB

Le problème est que le PIB n’est qu’une somme de salaires, de rentes, de dividendes (pour les actionnaires) et d’intérêts (bancaires). Il ne prend aucun compte des impactes de l’activité de l’homme sur la nature, ni sur le fait que ces échanges (monétaires) entre humains soient bénéfiques ou non pour la collectivité.

Ainsi, si nous prenons une vue schématique de l’activité humaine depuis le début de l’histoire des hommes, il y a 10.000ans. Les hommes ont commencés à exploiter la nature et en extraire 2 types de ressources :
 les ressources renouvelables (bois, eau, poisson, gibier, ...)
 les ressources non renouvelable (silexs, minerais de cuivre puis de fer, autres minerais, ...)

Ces produits ont d’abord été prélevé en toute petite quantité, ainsi les ressources renouvelables n’étaient pas entamée (car le prélèvement était inférieur au renouvellement), et les non renouvelable étaient diminuées d’une part infime, donc quasi intacte.
Avec ces ressources l’homme a commencé à fabriquer des outils pour exploiter de façon plus efficace la nature (des marteaux et enclumes, des haches, charrues, des pelles, des hameçons, etc...).
Cela a permis aux hommes de produire plus, plus facilement (pêche, agriculture, mine). L’homme a aussi produit des outils de "consommation" (vêtements, logements, bijoux, ...). Tout cela a entraîné une consommation un peu plus importante des ressources naturelles. Les ressources “non renouvelables” ont commencées à baisser sérieusement.

Puis l’homme a amélioré ses techniques et outils (bateaux de pêche, tracteurs, usines, camions, voitures, ...), la production a explosé, et la pollution est arrivée. Cette pollution a accrue la pression sur les ressources naturelles. Sous le fait conjugué de l’exploitation par l’homme et de la dégradation du milieu par la pollution, les ressources naturelles renouvelable ont vues leur taux de renouvellement devenir inférieur à la consommation annuelle. Le stock de ressources naturelles renouvelables se met alors à diminuer (déforestation, chute du stock de poisson, sur-pêche des baleines, disparition d’espèces naturelles de la faune et flore, ...).

Processus de production et PIB
Limites du PIB dans la mesure du processus de production, impacte sur les ressources

Nous voyons tout ceci représenté sur le graphique ci-dessus. Et le chiffrage du développement par le PIB ne représente que la petite partie marquée en rouge "W". Nous voyons donc que ce PIB ne prend pas en compte l’ensemble du processus économique, mais juste d’une toute petite partie du flux. Ainsi, le PIB peut bien continuer à augmenter alors que la situation sur la planète se dégrade fortement (épuisement des stocks). C’est par exemple le cas lorsqu’une forte pollution se produit : les travaux pour "dépolluer la zone", entrainent de nombreuses dépenses (souvent payées par le contribuable) qui vont mathématiquement augmenter le PIB. Du coup, nous pourrions croire que la situation sur la planète va mieux, alors que c’est typiquement l’inverse (grosse pollution). Idem, la fabrication d’une bombe atomique que l’on lancerait sur un voisin entrainerait une "amélioration" du PIB (coût d’achat et de fabrication, coût de la reconstruction des villes après l’explosion de la bombe), mais surement pas de la qualité de vie et de la situation générale sur la planète.

Durable : combien de temps ?

Il peut paraitre ridicule de se demander combien de temps nous voulons que le développement soit durable. Mais il faut bien réaliser que toute gestion économique dépend toujours de la durée que nous voulons y consacrer. Ainsi le "développement" possible pour l’humanité sera très différent si nous voulons qu’il dure 1 ans, 5 ans, 10 ans, 100 ans, 1000 ans ou plus. Car si nous voulons un développement équitable pour tous les êtres humains sur cette même période, il nous faut répartir les ressources dans le temps et limiter notre consommation aujourd’hui pour qu’il y en ait encore demain, dans 100 ou 1000 ans pour nos descendants. De même si vous avez 1000 E pour vivre tout le mois, vous n’allez pas commencer à faire des repas au restaurant à 100 E le 1° du mois et les jours suivants, sinon avant la fin de la première semaine vous n’aurez plus rien pour vivre.

Il nous faut donc économiser nos ressources renouvelables pour qu’elles restent "renouvelables", mais également faire de grosses économies sur nos ressources "non-renouvelables" pour que les générations futures puissent disposer encore d’un peu de minerai de fer, de cuivre, de pétrole, de charbon, etc ... Il ne suffit pas de dire « il y en a encore, nous allons en découvrir plus tard ! », il faut s’assurer de cette hypothèse, et partager le gâteau que nous avons “sans vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué !” Sous peine de ne laisser à nos enfants que des miettes (des ressources naturelles), et une addition salée (en changement climatique).

Quel avenir alors ?

Des scientifiques se sont penchés sur la question. Quel peut être l’avenir de notre développement économique compte tenu :
 de nos connaissances des ressources naturelles
 de nos connaissances de la pollution et de l’impacte climatique
 des liens intrinsèques entre ressources naturelle - production industrielle - production agricole - population - pollution (ces 5 paramètres étant liés entre eux).

Le résultat a été publié il y a 40 ans dans un rapport resté célèbre : le rapport Meadows du Club de Rome.

Club de Rome : buisness as usual
Modélisation mathématique de l’évolution de la société en poursuivant le même modèle de développement.

L’étude a montrée que la poursuite du développement économique, tel qu’il était vu à l’époque et encore aujourd’hui, entrainerait inéluctablement, au milieu du XXIème siècle à un effondrement total du système :
 La production agricole diminue du fait de la pollution (qui explose) et de la dégradation des sols (changement climatique entre autre) .
 l’effondrement de la production industrielle (à cause de l’épuisement des ressources naturelles, c’est à dire leur raréfaction et leur augmentation de prix)
 moins bien nourri, la population diminue entrainant en cascade
 une chute plus forte de la production industrielle et agricole (moins de mains d’oeuvre).

Aujourd’hui, d’autres scientifiques ont refait les calculs (compte tenu des nouvelles découvertes de matière première, d’une augmentation de puissance des ordinateurs et des possibilités qu’ils offrent). Malheureusement, ils arrivent tous à la même conclusion :
 le Club de Rome n’a pas fait d’erreur dans ses calculs
 la poursuite d’une croissance visant à augmenter sans cesse (voir même à seulement maintenir) la consommation de ressources naturelles pour chaque habitant de la planète n’est pas viable sur le siècle qui vient.

Il nous faut donc d’urgence revoir notre rapport à la nature et à la consommation. Un peu comme un homme qui aurait un jour hérité d’un grand coffre plein de pièces d’or dans lequel il se serait mis à puiser de plus en plus pour "améliorer son train de vie". Il puise tant et si bien que son salaire mensuel ne représente plus que 1/7ème de ses dépenses mensuelles. Le coffre hérité fournissant le reste. Un jour le niveau de pièces devient tellement bas qu’il lui reste 2 options pour continuer à vivre :
 réduire ses dépenses mensuelles pour s’adapter à ses ressources (son salaire mensuel)
 se mettre à voler pour compenser l’argent qui lui manquera chaque mois.

Aujourd’hui près de 90% de nos dépenses sont couvertes par le coffre de pièces d’ors (les énergies non renouvelables), et seulement un peu plus de 10% par notre "salaire mensuel" (les énergies renouvelables). Voir le diaporama de la conférence pour les données chiffrées. Il nous faudrait donc pratiquement, au niveau planétaire diviser par 10 notre consommation de ressources énergétiques pour être réellement durable (au niveau énergétique uniquement). Ou alors réussir à multiplier par 10 notre production d’énergie renouvelable (notre salaire mensuel), ce qui est physiquement impossible.

C’est la décroissance alors ?

C’est ce que beaucoup disent ou critiquent ! Mais avant de parler de débattre sur la décroissance, il faut la définir. Comme le mot “développement”, il y a pour chaque être humain, beaucoup de sous-entendus derrière ce mot de “décroissance” :
 le retour au mode de vie du moyen-âge
 une régression sociale (perte des congés payés, retraite, ...)
 une vie plus dur (paysan à l’ancienne)
 suppression des voitures, réduction du transport, du chauffage ...

Le but n’est bien sûr pas de ramener tout le monde au mode de vie de nos grands-parents, voir pire. Et cela pour personne ! La technique nous permet aujourd’hui beaucoup de chose dont ne disposaient pas nos anciens. La science a progressée et nous offre parfois des solutions techniques qu’ignoraient nos ancêtres. Mais il nous faut être réaliste et objectif. Si nous voulons être “durable”, il faut arrêter de consommer plus de ressources naturelles que la planète ne nous en fournit chaque année. Aujourd’hui les 80% de l’énergie consommées dans le monde sont fossiles (pétrole, gaz, charbon) : donc typiquement non renouvelable. A cela s’ajoute le nucléaire, non renouvelable lui aussi. C’est près de 90% de notre énergie qui n’est pas renouvelable au total ! (même s’il y a encore quelques réserves). Même si nous pouvons et devons développer les énergies renouvelables, nous ne remplacerons jamais toutes les centrales électrique par des éoliennes. Il va falloir apprendre à vivre avec moins. C’est la décroissance de la consommation de ressources (différente du PIB, bien que probablement liée).

Importance du recyclage

L’énergie n’est pas le seul point où les ressources sont limités, il y a d’autres ressources comme les minerais (fer, cuivre, aluminium, verre, ...) ainsi que des roches diverses (calcaire pour le béton, marbre, etc ). Pour prendre l’exemple sur le fer (pour tout autre ressource cela est identique), aujourd’hui nous avons des mines dans lequel nous le puisons. Nous fabriquons des objets, qui une fois devenus inutiles sont jetés à la poubelle (pendant longtemps c’était en décharge). Même si le stock de fer est important dans les mines, ce mode de fonctionnement n’est pas durable car à terme, nous aurons épuisé tous les gisements et tout le fer se retrouvera disséminé dans des décharges inexploitables. Il est donc très important de recycler cette matière (et toutes les autres) pour pouvoir toujours construire des objets en fer (cuivre, alu, etc).

Mais la première étape du recyclage n’est pas d’apporter les vieilles ferrailles à la déchèterie ou dans le container spécialisé, mais bien de “réutiliser l’objet”. C’est à dire à conserver l’objet tel quel, sans le fondre, mais en l’utilisant pour un autre rôle :
 c’est le pot de confiture vide réutilisé pour remettre de la confiture l’année d’après
 c’est la boite de conserve que l’on récupère pour mettre des clous dans l’atelier
 c’est le pot (de confiture) que l’on utilise comme pot à crayons dans le bureau.
 etc ...

Ainsi, plutôt que de jeter l’objet à la déchèterie pour qu’un industriel le refonde dans un nouvel objet que l’on ira à nouveau acheter en magasin, nous utilisons directement la boite, sans avoir à la recycler, et la racheter. Cela représente des économies :
 pour nous (pas de nouvel achat à faire, nous l’avons déjà)
 des économies d’énergie et de pollution pour la nature

Des économies d’énergie car :
 pas de transport de la matière première (l’objet à recycler)
 pas d’énergie utilisée pour la transformation de l’objet
 pas de transport des objets fabriqués
 etc...

En fin de vie, quand la boite sera cassée, inutilisable, alors nous pourrons l’amener au recyclage pour qu’un industriel la retransforme en en nouvel objet neuf. Ainsi, cette matière (acier, alu, cuivre, verre, etc...) sera toujours en utilisation pour l’homme, elle ne sera pas perdue et inutilisable au fond d’une décharge public et polluée. Ce mode de fonctionnement est réellement durable car rien n’est perdu. Mais attention, encore faut-il prendre soin du recyclage, et ne pas polluer nos déchèteries et containers avec des mauvais éléments. Car si l’on “pollue” notre stock de verre par d’autres matériaux (cristal, porcelaine, etc), alors c’est tout le stock qui est perdu. L’ajout d’un seul kilo de porcelaine ou cristal dans 1 tonne de verre, oblige l’industriel à jeter la totalité du stock ( 1 tonne de précieux minerai) à la décharge. Ainsi, l’inattention, le manque de civisme d’un seul, peut compromettre les efforts d’un grand nombre.

Le développement durable pour le monde

L’ONU a définit ainsi le développement durable :

Le développement durable est celui qui permet à chaque génération, en particulier aux plus pauvres, de subvenir à leurs besoins, sans compromettre pour les générations à venir, de subvenir également à leurs besoins.

Cette définition choisie par l’ONU devrait nous faire méditer...

Car l’être humain n’a que 5 besoins vitaux :
 respirer (sans respirer au-delà de quelques minutes il meure s’asphyxie)
 boire (après quelques jours l’homme meurt de soif)
 dormir (après 5 à 6 jours sans sommeil l’homme devient fou)
 manger (après quelques semaines l’homme meurt de faim)
 se vêtir (cela va dépendre du lieu de vie, l’homme peut vivre nu dans des climat suffisamment chaud, mais pas ailleurs).

Le reste (loisir, vacance, culture, éducation, voyages, ...) sont des envies, qui même si elles sont souhaitables et bonnes, ne sont pas des “besoins vitaux”. Et les “envies” des uns, ne doivent pas compromettre le “besoin” des autres.